De nos jours, dans la région on parle beaucoup de francophonie et des franco-ontariens. J’avoue que je ne mêle pas trop au côté politique de la situation (sauf pour un épisode lors de mes années au secondaire du temps du conflit scolaire à Penetanguishene – on s’entend que cela remonte à bien longtemps) et ne supporte pas systématiquement la cause. Cela n’empêche pas que je suis fière de mes racines.
Malgré cela, j’ai vécu la moitié de ma vie dans un milieu bilingue où l’anglais ou l’Inuktitut était le language d’usage. J’ai accueillie à bras ouvert les coutumes des Inuit, j’ai appris autant qu’il m’a été possible leur langue. J’ai du me débrouiller au fils des ans et parler anglais d’abord au Manitoba et ensuite au Nunavut. J’ai toujours conservé un fort accent et eu de la difficulté avec certains sons dans la langue de Shakespear et celles des Inuits. Bien que je n’ai pas eu beaucoup d’opportunité de parler le français lors de mes 26 ans dans le nord, ma culture franco-ontarienne a toujours été une importante partie de ma vie. Bien qu’imersée dans leur culture, j’ai pu ici et là partagé mes traditions à mes nouveaux ami(e)s et même enseigner les rudiments de la langue française à Vinnie, un jeune Inuk qui est devenue une vedette de cinéma. Je leurs ai même fait goûter des mets de par chez-nous.
Revenue m’établir dans la région, je suis contente de pouvoir renouer avec des traditions et événements qui dans le temps nous a défini comme peuple. Tout comme le peuple Inuit, les canadiens-français n’ont pas toujours eu la vie facile. Ils ont travaillé d’arrache-pied pour d’éffricher les terres. Ils ont parfois eux froid et faim. L’entraide était une nécessité pour survivre mais aussi un signe d’humilité, conscient que la survie dépendait souvent des autres. Jean-Marie Maisonneuve nous avait partagé comment il avait fait partie de la corvée qui avait aider Jean-Rhéal Séguin à rebâtir son étable après un feu. Malheureusement, quelques années plus tard, M. Séguin était venu lui prêter main forte, lorsqu’à son tour son bâtiment avait été détruit par les flammes.
De plus, tout comme le peuple Inuit, vivant au gré des saisons, les franco-ontariens ont su apprécier les précieux produits de la terre. Combien de gens de ma génération et celles qui l’ont précédés sont allés cueillir des petits fruits sauvages; bleuets, framboises, fraises, mûres, thé des bois, fougères et de l’ail dans les prés et à l’orée des forêts? On a la vie facile de nos jours avec les fermes Duquette, Lalonde, Canaan Blueberry, Verger des pins, Vergers Villeneuve & Blueberry Farm et tant d’autres…. On n’a plus besoin d’enjamber les arbres tombés ni de se battre avec les moustiques. En plus d’être plus gros les fruits sont tellement facile d’accès, pas besoin de chercher pour de nouvelles talles.
La nourriture a toujours été un élément rassembleur mais aussi une facteur déterminant de l’identité d’un groupe. Il y a des repas particuliers, des fruits ou légumes qui sont liés à notre enfance et qui nous apportent un réconfort immatériel. Mais il y a aussi les aliments, les mets qui vont au delà des liens familiaux et qui nous rattachent à notre culture, au peuple entier. Il en est de même avec les cabanes à sucre.
Encore une fois, les gens de mon âge et les plus vieux se rappellent le travail mais aussi les dégustations associées aux cabanes d’antan. Ma tante Jeanne aimait se commémorer le temps des sucres qu’elle associait avec la venue du printemps et de Pâques. Cette période de l’année bien que marquée par le carême présageait des temps meilleurs, moins pénible que l’hiver en tout cas. Elle me raccontait comment enfants, ils marchaient pour se rendre à la cabane. Souvent il y avait des rigoles ou de gros trous d’eau où les plus vieux devaient aider les plus jeunes à franchir. Une fois à la cabane ils savouraient la trempette souvent déguster avec du pain. C’était aussi le temps de préparer le jambon de Pâques qui devait vieillir dans une saumure.
Dans le temps, plusieurs fermiers avaient une érablière et une cabane à sucre au bout de leur terre. Le sirop était surtout pour les besoins de la famille immédiate. Comme pour tous les autres travaux de la ferme, il fallait bosser pour produire le délicieux liquide. Bien que le sucres arrivait à un temps moins occupés dans la vie à la ferme, il fallait quand même traire les vaches et nourrir les animaux deux fois par jour. Il faillait ramasser les oeufs et nettoyer l’étable et faire diverses réparations. On ne s’ennuyait jamais. Malgré cela le temps des sucres offrait un changement dans la routine et pour plusieurs qui avaient auparavant travailler sur les chantiers une opportunité de rétablir leur lien avec la forêt. Tout était alors fait à la main. Il fallait d’abord faire les entailles avec un vilebrequin et y accrocher les sceaux. On marchait d’arbres en arbres avec un petit traîneau ou lorsque possible un plus gros tiré par des chevaux. On refaissait le même parcours jours après jours pour ramasser l’eau selon la température. Il fallait ensuite passé des heures auprès de l’évaporateur pour y maintenir un feu constant avant de pouvoir embouteiller le précieux sirop. De plus il fallait pourvoir à une énorme quantité de bois de chauffage pour alimenter l’évaporateur.
Il y a deux semaines, j’étais bien contente de pouvoir renouer encore cette année avec cette belle tradition. Nadine et moi, ainsi que trois amies sommes allées ‘bruncher’ à la Station 4 Saisons qui offrent jusqu’à Pâques deux repas de cabane à sucre par jour les samedis et dimanches. La nourriture est préparé par la Cuisine Bernard et la Binerie en partenariat avec la Station. Il faut dire que bien que tous les mets soient traditionels, les repas de cabanes à sucre de nos jours sont beaucoup plus élaborer qu’avant. On a eu droit à la soupe aux pois, aux saucisses, grillardes, cretons, pains, crêpes, omellettes, fèves au lard, tous les condiments et salades en plus des desserts; les fameux pouding aux chomeurs et tartes au sucre avec crème glacée et du jello pour ceux qui préfèrent…
Comme toujours nous avons été reçues chaleureusement par les propriétaires, Mario Perrier et Johanne Lefebvre. Nous avons mangé copieusement en plus de pouvoir relaxer aux sons de la voix de JoJo qui en a fait danser quelques-uns avant d’aller finir la matinée en dégustant de la bonne tire sur neige.
Plus tard dans la journée, Nadine et moi avons décidé de parcourrir quelques routes des environs afin de pouvoir prendre des photos alors qu’une délicate et abondante neige tombait. On s’est vraiment pas rendu loin. Lors de notre premier arrêt sur la concession 2 à Wendover, nos hôtes nous ont parlé de la cabane à sucre de Jean-Marie et Étienne Séguin qui se trouvait juste un peu plus loin à l’est sur le même chemin. Comme nous devons prendre des photos d’arbres pour le calendrier de l’an prochain, une autre visite à une cabane à sucre était de mise!
Nous connaissions l’endroit car Nadine avait déjà photographié l’endroit un automne du temps que le terrain appartenait toujours à Yvon Bissonnette de Plantagenet. Depuis, il a vendu son érablière à Étienne de la ferme St-Malo (son étable illustre le mois de mars dans notre calendrier et était mentionné dans notre dernier blog). Étienne et son père ont bâti une nouvelle cabane à sucre et installer un système de tubulure et pompe pour la récolte de la sève. De plus la famille Séguin récolte la sève dans des bocaux sur le terrain de Royal Bissonnette, adjacent au leur, pour un total de 1200 entailles.
Arrivé comme un cheveu sur la soupe à la fin d’un party de famille, nous avons pu saluer Miguel Maisoneuve et ses parents (sujet de notre dernier blog) ainsi qu’Étienne Séguin alors que ceux-ci partaient avec leur famille pour retourner à St-Pascal, y faire respectivement chacun la traite de leurs vaches. Heureusement pour nous, Jean-Marie était de corvée pour le restant de la soirée. Il a expliqué qu’il resterait à entretenir le feu et emboutteiller le sirop jusqu’à environ 20 ou 21h et qu’ensuite il serait occupé pour une autre heure à nettoyer l’équipement. Comme il nous a assurées qu’il pouvait faire son travail tout en conversant, nous avons donc pu l’admirer à l’oeuvre en plus d’en apprendre plus sur le processus.
En fin de semaine je n’ai pas levé le drapeau, je ne me suis pas habillé en vert et blanc mais j’ai quand même célébrer ma culture franco-ontarienne. J’ai bien mangé ça c’est certain, mais tout aussi important j’ai été accueillie même quand je suis arrivé à l’improviste chez les gens.
Merci tout spécial à Jojo et Mario de la Station 4 saisons qui continue dans un atmosphère très chaleureux et un joli contexte rural d’offrir des spectacles et repas qui permettent à la population francophone de bien s’amuser et de célébrer dans leur langue maternelle. Merci d’être de fiers promoteurs de notre culture franco-ontarienne.
Un autre gros merci à Jean-Marie Séguin et sa famille qui eux aussi aux cours des ans ont fièrement représenter leur culture. Le devant de la grange arbore d’ailleurs un drapeau franco-ontarien. Merci de continuer de faire vivre de belle traditions famillialles et franco-ontariennes. Merci de ton hospitalité Jean-Marie. Cela m’a vraiment touché, je voyais en toi le même chaleureux accueil que m’offraient tes parents lorsque je visitais ta soeur Aline à St-Pascal, il y a bien des années.
Merci à tous les acériculteurs d’ici, qui années après années, beau temps mauvais temps nous font déguster la richesse naturelle de notre région mais aussi nous permettent de participer à cette belle tradition. Même si plusieurs d’entre eux le font seulement pour leur famille, c’est beaucoup de travail et de temps et c’est très apprécié. Parmi eux: Érablière Julis Sugarbush, La cabane des gars, Luc Séguin, Salty’s, La cabane à sucre Rollin, Everson, Ferme Proulx, Ferme Drouin, Bean Town, Barbarie, André Brazeau, Jean-Yves Lalonde, Jacques Gratton, Daniel Barbarie, Cassburn Sweets, Érablière Marée, Famille Poupart, Maurice Bilodeau et son voisin Steve. Malheureusement je ne les connais pas tous, je suis certaine qu’il y en a bien d’autres! Merci!